J'ai saigné

Le projet

Je lis Cendrars depuis l'adolescence. Son écriture est immédiatement physique, elle recèle beaucoup d'oralité. Je pensais un jour aborder Prose du Transsibérien ou Pâques à New-York, quand je suis tombé sur ce petit texte que je ne connaissais pas, une nouvelle autobiographique extraite du recueil La vie dangereuse publié en 1938.

Septembre 1915. Blaise Cendrars, alors engagé volontaire de la Légion étrangère, se bat sur le front de Champagne. Il est touché par une rafale de mitrailleuse. Opéré sur place, il est amputé d'une partie de son bras droit. Puis il est transporté à l'évêché de Châlons-sur-Marne (maintenant Châlons-en-Champagne), dans un hospice religieux, pour y vivre sa période de convalescence. La nouvelle relate précisément cette période, la souffrance, mais aussi la rééducation, la résilience, la solidarité, et la renaissance. On y rencontre la figure admirable de Mme Adrienne, l'infirmière-major, qui repère vite la capacité de Cendrars à repousser ses limites pour se reconstruire, retrouver goût à la vie et restaurer l'estime de soi-même. Elle va lui demander de s'occuper des autres :

- Je ne me suis pas trompée, Cendrars, en venant vous chercher ? J'ai là un pauvre petit berger des Landes qui souffre le martyre. (…) Entretenez-le, racontez-lui des histoires, cela lui fera du bien. Vous voulez bien ? Cendrars sera alors amené à partager la chambre de ce berger qui a reçu 72 éclats d'obus dans le corps, et plus tard d'un maréchal des logis qui a perdu l'usage de la parole. Adrienne est intuitivement persuadée que l'aspect psychologique est vital. Ensemble ils cherchent de manière empirique à pallier une médecine trop mécaniste et à reconstruire également le psychisme de ces êtres démolis.

Ce texte m'a profondément touché. S'il est ancré dans une période précise, la seconde guerre mondiale, il dépasse de loin la chronique d'une époque. Blaise Cendrars mettra 23 ans avant d'oser aborder le récit de cette convalescence. En évoquant le second volume de ses mémoires, La Main coupée (1946), il dira : Si je l'avais écrit au lendemain de la guerre, c'eut été un tout autre bouquin, beaucoup plus imagé, photographié, instantané, mais pas plus véridique pour cela. La synthèse, le portrait demandent un certain recul. L'oubli aussi. Et le pardon !...

C'est ce recul qui touche juste dans ce récit. Pas d'apitoiement, de sensationnalisme. Un ton simple et pudique. La langue est directe, sans fioriture. On sent que cette période a été fondatrice pour Cendrars, qui vient de perdre sa main d'écriture - il écrira l'œuvre à suivre de la main gauche. On sent qu'il s'agit pour lui de décrire un chemin secret et intérieur qui le ramène à lui-même et à sa complétude d'être humain. Et pour cela il ne s'étale pas sur lui, mais au contraire trouve les mots pour faire revivre des êtres perdus sur des chemins de souffrance. Il passe par l'autre, les autres, et sa capacité d'empathie. Un récit direct, simple, délicat, qui déploie des résonances profondes sur notre rapport à l'autre, à la souffrance, au combat intérieur, à la guérison.

Génèse du projet

Quand je me suis demandé avec qui travailler (il me fallait au moins un regard extérieur) j'ai pensé immédiatement à Jean-Christophe Cochard.
J'ai travaillé avec Jean-Christophe dès 2001, sur la première création jeune public de la compagnie, Erwan et les oiseaux. On a depuis constamment dialogué. On parlait beaucoup de poètes, Pierre Michon dont il monte les textes depuis une vingtaine d'années, mais aussi Agrippa d'Aubigné qu'il a joué, Romain Roland, Péguy, Chalamov. Nous est venue l'envie de travailler ensemble sur Péguy, ce qui a donné le solo Figures Péguy, qu'il a joué et que nous avons co-mis en scène.
C'était assez évident de nous lancer dans une aventure inverse en échangeant les rôles. C'est fait avec J'ai saigné.

Illustration de la création J'ai saigné

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

<span class="fontBold">Sur scène</span> - 2023/2024

J'ai saigné

Blaise Cendrars

Après une longue période sans être monté sur un plateau, à la demande d'Emilie Charriot, j'ai interprété un solo, un texte d'Antoine Jaccoud, au théâtre de Vidy-Lausanne (mai 2017). Cette expérience m'a donné envie de continuer à creuser l'art de l'acteur. C'est une manière d'engager le corps autrement qu'en tant que metteur-en-scène. Et diriger, accompagner des comédiennes, des comédiens, passe aussi par la compréhension profonde de leur art.
Je me suis mis alors à la recherche du texte idoine, et suis tombé au hasard de mes lectures sur J'ai saigné, un texte autobiographique de Blaise Cendrars.
  • Mise en scène Jean-Christophe Cochard et Jean-Yves Ruf
  • Scénographie Aurélie Thomas
  • Lumière Christian Dubet
  • Régie lumière Arno Seghiri
Coproduit par :
Le Préau, Vire
Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
La compagnie Chat Borgne est conventionnée par la DRAC et la Région GRAND EST.
  • Jean-Yves Ruf